• La princesse maudite

    Nous atteignîmes un champ entouré d'une barrière en rondins de bois. Des vaches broutaient dans les hautes herbes, et une petite hutte au toit de chaume ronde se tenait à l'autre coté du champ. Grimalkin bondit sur la barrière et s'assit, remuant la queue.

    - Tu trouveras de l'aide dans cette maison, dit-il en me regardant avec des yeux jaunes impassibles. Simplement, n'effraie pas le bétail quand tu traverseras le champ.

    - Et toi ? demandai-je tandis qu'il baillait et levait sa patte arrière pour faire sa toilette. Tu ne viens pas ?

    - Moi ? Non, je rends les Brownies nerveux. Ne t'inquiète pas, je serai pas loin. Simplement ne mentionne pas mon nom ou tu provoqueras leur panique. (Il arrêta brusquement sa toilette, m'observant discrètement.) Et quoi que tu fasses, ne propose pas de les aider pour quoi que ce soit.

    Me tournant le dos, il commença à se lécher le flanc, et je sus que j'avais été congédiée.

    J'escaladai la barrière, essayant de ne pas me disloquer l'épaule, et traversa le pâturage. Les vaches arrivaient seulement à ma taille et quand ils me virent arriver, ils déguerpirent à travers le champ en poussant des beuglements alarmés. Quand j'atteignis la hutte, j'entendis des bourdonnements provenant de l'intérieur et je frappai timidement à la porte. Le bourdonnements s'arrêta. Pendant un instant, le silence régna, puis des pas se dirigèrent vers moi. La porte s'entrouvrit, et un œil pâle, qui se trouvait au même niveau que mon genou me regardait prudemment.

    - Qui est là , murmura le visage de l'autre coté. Allez-vous en ! Je vous préviens, je suis armé. Je vous réduirai en bouillie si vous touchez à mon bétail.

    J'entendu le son de quelque chose de solide, frappant l porte, et je reculai d'un pas.

    - Je suis désolée, dis-je en maudissant mentalement Grimalkin. Je ne voulais pas vous déranger, je vais partir à présent.

    - Non, attendez.

    La porte s'ouvrit un peu plus en grand, et une tête hirsute émergea. D'épais cheveux châtains encadraient un visage rond avec un nez de la taille d'une patate. Le petit homme me lorgna et ses yeux s'ouvrirent en grand.

    - Une humaine ? Chuchota-t-il et tout son visage s'illumina. Eh bien ! Cela ait longtemps que j'avais pas vu un enfant mortel. (Il recula et ouvrit la porte en grand, se révélant être un homme d'un mètre environ, habillé de vêtements souillés. Ses bras et ses pieds nus étaient recouverts de fourrure marron aux poils raides.) Entrez, entrez. J'étais sur le point de préparer le dîner.

    J'hésitai, jetant un coup d'oeil en arrière pour un signe de Grimalkin. Mais, à l'exception des vaches broutant du coté le plus loin de la barrière, le pâturage était vide.

    Quand je marquai une pause, l'homme de petite taille fronça les sourcils, confus, puis rit. C'était un rire agréable, ni hystérique ni effrayant.

    - Ah, je constate que vous êtes déjà tombée sur les résidents les plus désagréables. (Il gloussa, secouant la tête.) Ne vous inquiétez pas, petite fille, je ne vais pas vous mettre dans le four. J'ai longtemps travaillé avec les humains. Vous êtes en sécurité ici, je vous assure.

    Rassemblant mon courage, je franchis le seuil, et l'homme ferma la porte derrière moi. Ma première impression était l'étonnement. De la manière dont s'habillait les Brownies, je m'étais attendue à ce que la maison soit sale, couverte d'os et de fourrure. Au contraire, la hutte composée de trois petites pièces, était peut-être la maison la rangée que j'avais jamais vu. On avait balayé le sol, les tables et les meubles brillaient en raison de la cire, le cœur de la cheminée tait dénué de cendres et de saleté. Tout, de la vaisselle sur l'égouttoir jusqu'aux étagères mettant en avant des douzaines et des douzaines de livres, tout était à sa place. Si le Brownie possédait un chien, pas un poil ne reposerait de travers ou sur le sol.

    - Ouah ! Murmurai-je en me baissant pour éviter la plafond bas. Maman n'a jamais rendu la maison aussi propre, même pour ses rencontres avec le club.

    Le Brownie rayonna.

    - A présent, dit-il en marchant vers la table et m'offrant une chaise. Vous êtes blessée, n'est-ce pas ? Je peux sentir le sang. Pourquoi ne pas vous asseoir et me laisser y jeter un œil ? Ensuite, quand la partie désagréable sera terminée, on pourra dîner.

    A contrecoeur, je m'affalai sur la chaise, en espérant ne pas la casser comme elle convenait à la taille du Brownie. Cependant, elle semblait assez robuste, et le petit homme sauta sur un tabouret pour examiner mon épaule.

    - Mmh oui, marmonna-t-il en écartant une partie du tissu. On dirait que vous avez fricoté avec des gobelins. Des créatures mauvaises et immondes. Il y a un trou juste ici sur votre omoplate. On dirait que vous avez pris une lance dans le dos, ma fille. Un instant, j'ai un baume pour ça.

    Il descendit du tabouret et ouvrit un placard qui était aussi propre et minuscule que le reste de la maison. Quand il revînt, il tenait fermement un pot bleu dans sa main calleuse.

    - De la poudre d'une corne de licorne, murmura-t-il en remontant sur le tabouret. Il mérite son poids en or, mais je garde toujours une petite réserve à porté de main, au cas où.

    - Pourquoi m'aidez-vous ? Demandai-je alors qu'on appliquait quelque chose de froid et qui picotait dans le dos.

    Le Brownie gloussa.

    - Pourquoi pas ? Dit-il en descendant une fois de plus. C'est ce que nous faisons, ma fille. A présent, bougez ce bras. Voyez si ça va mieux

    Je levai le bras prudemment et constatai que la douleur était partie. En examinant mon épaule, je trouvai le trou dans le tissu de mon t-shirt, mais la peau en dessous était guérie. C'était un sacré baume. J'examinais le pot et vis une toute petite étiquette qui disait « coffret pour licorne »

    - Maintenant, dit le Brownie en se frottant les mains, nous pouvons manger.

    Le dîner fut simple : du pain avec du beurre au miel, du lait, du fromage, tous fait maison et provenant du troupeau du Brownie.

    - Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas de la nourriture de fée, me rassura-t-il bien que je n'avais aucune idée de ce qu'il voulait dire. Je sais comment préparer des repas pour les humains, pas comme ces elfes prétentieux de la Court. (Il renifla et leva la main en agitant un mouchoir invisible.) Tout doit être si fantaisie et glamour, parce nous sommes des aristocrates, se moqua-t-il d'une voix chantante. Bah ! Ils oublient que les plaisirs les plus simples sont souvent les meilleurs.

    J'avais une fin de loup, mais par égard pour mon hôte, j'essayai d'être polie et de ne pas manger comme un animal. La nourriture était délicieuse, bien qu'un peu sucré, et les portions trop petites. Cependant, je n'allai pas me plaindre.

    Après le dîner, le Brownie commença à nettoyer la table. Automatiquement, je me levai et ramassai mon assiette. Le Brownie se raidit. Je vis ses yeux allaient de l'assiette dans ma main à moi, avec un air blessé. Je me rappelai trop tard l'avertissement de Grimalkin. Et quoi que tu fasses, ne propose pas de les aider pour quoi que ce soit.

    - Je suis désolée, dis-je en reposant l'assiette.

    L'expression du Brownie ne changea pas.

    - Ce n'est pas grave, dit-il d'une voix froide. Je n'ai pas besoin d'aide, mais merci quand même.

    -Je suis vraiment désolée. (Je réessayai.) Je ne voulais pas vous offenser.

    Il renifla et continua d'un ton excessivement poli.

    - Je vous aurai bien proposé mon lit ce soir, mais il est trop petit. Vous trouverez des couvertures dans le placard ? Dormez ici pour cette nuit, mais demain, j'ai bien peur d'être dehors, tôt, pour traire les vaches. J'espère que vous comprenez.

    - Oui, murmurai-je, et je le regardai tristement ranger la cuisine, puis se retirer dans sa chambre, en claquant la porte.

    Je l'avais offensé, et quelque part, je savais qu'il n'allait pas me pardonner. Je trouvais les couvertures dans le placard et essayai de mettre à l'aise sur le sol, utilisant mon sac à dos comme oreiller. Quelque chose s'enfonçait dans mon crâne et j'ouvris la fermeture de mon sac pour trouver mon iPod, encore trempé par mon plongeon dans la rivière.

    - Bon sang, soupirai-je, regardant l'écran, à présent gauchit et déformait dans la faible luminosité. J’extrayais les écouteurs, les branchai, et essayai de l'allumer. Rien. Pas même un vrombissement. J'avais passé des mois à économiser pour ce truc, et maintenant il était détruit, comme tout le reste dans ma vie pathétique. Tout en laissant retomber lourdement l'iPod cassé sur une extrémité de la table, je m'allongeai et boudai, détestant cet endroit avec tous ses résidents étranges et stupides avec leur manies étranges et stupides. Finalement, je tombai dans un sommeil agité.

     

    Quand je me réveillai, la maison était plongée dans le noir. Tout restait immobile et silencieux, chaque contour dessiné par une vague lumière bleue provenant du clair de lune qui traversait les fenêtres. Rien ne bougeait. Mais j'étais sûre que quelque chose m'avait réveillée. On frappa à la porte. Un léger toc-toc, puis le silence.

    Je jetai un œil en direction de la chambre u Brownie. Cependant la porte restait fermée. J'entendis un faible ronflement de l'autre coté.

    On frappa de nouveau. Un peu plus fort cette fois, plus insistant.

    Bougeant comme dans un rêve, je me levai en repoussant les couvertures et fis quelques pas vers la porte, le bras tendu. Non ! Criai-je dans ma tête. N'ouvre pas ! Mais mon corps appartenait à quelqu'un d'autre et je pouvais seulement regarder, impuissante, alors que je tendis le bras pour attraper la poignée et l'agripper.

    Sous ma paume, la poignée trembla et tourna. Je fis un pas en arrière alors que la porte s'ouvrit brusquement en un grincement agonisant.

    Le mystérieux garçon se tenait debout dans le couloir, le clair de lune brillant dans ses cheveux noirs, ses yeux étaient comme deux fentes en métal dans l'obscurité. Il leva un poing vers moi, quelque chose de large pendant de sa main. La tête de Puck.

    Un cri se bloqua dans ma gorge. Le garçon laissa tomber la tête sur le plancher dans un bruit sourd et mouillé, faisant des éclaboussures cramoisies. Je levai les yeux vers lui alors qu'il dégainait son épée, la lame glaciale recouverte de sang séché. Je pouvais simplement regarder, fascinée, alors qu'il leva son épée au dessus de sa tête. Ses yeux étincelant ne quitta jamais les miens.

    - Ils sont là, murmura-t-il en abaissant l'épée.

     

    Je me réveillai en sursaut, le cri se transformant en un halètement étouffé comme il s'échappait. Le cœur palpitant, je m'allongeai, essayant de reprendre mon souffle pendant que je fixais frénétiquement la pièce du regard . La porte du Brownie resta fermée ; aucun ange de la mort se surgit du perron, le sol parfaitement débarrassé de têtes.

    Dans l'obscurité, je vis quelque chose bougea du coin de l'oeil.

     


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